Un ultime jugement qui rétablit la vérité

Un ultime jugement qui rétablit la vérité

La comparaison des jugements des 2 Cours d’Appels montre, à quel point, des juges peuvent avoir des interprétations complètement contradictoires sur un même fait selon qu’ils instruisent à charge ou sans a priori.

La Mairie avait-elle de bons motifs pour préempter la maison que les époux Ghezzal projetaient d’acheter à la famille Marin ?

(Erreurs de droit et de jugement)
Pour les juges de la Cour d’Appel de Grenoble, la Mairie n’avait pas de motifs sérieux.

Extrait du jugement du 08/11/06 :

“Cette maison de plain-pied d’une surface de 130 m² destinée à l’habitation était peu, si ce n’est pas, adaptée à l’usage de local collectif tel que celui présenté à titre de projet par Gérard Dézempte”.

Selon les juges de la première instance, il n’est pas possible de créer une liaison entre le quartier du Piarday et le parcours de santé parce qu’il faudrait selon eux, traverser le salon de la maison. Il a fallu faire constater par un huissier de justice l’existence d’une bande de terrain de 3,5 mètres de large permettant la réalisation d’un cheminement piétonnier.

(La vérité)
Pour les juges de la Cour d’Appel de Lyon, il n’est pas possible de qualifier de prétexte fallacieux le motif invoqué par la commune au soutien de son droit de préemption.

Extrait du jugement du 04/02/09 :

“Il n’appartient pas à la juridiction pénale d’apprécier l’opportunité de cet investissement mais seulement de vérifier si ce motif est réel et sérieux et s’il ne dissimule pas une discrimination.

L’instruction a permis d’établir qu’une salle de réunion de l’école du quartier avait fait l’objet récemment, en fin d’année 1999, d’une interdiction d’ouverture au public pour des raisons de sécurité, contraignant plusieurs associations à utiliser le logement inoccupé d’un enseignant.

Il n’est dès lors pas possible de qualifier de prétexte fallacieux le motif invoqué par la commune au soutien de son droit de préemption, puisqu’il a été vérifié que le besoin d’un local était réel ; que la superficie de la maison était équivalente à celle de la salle polyvalente dont l’accès était interdit ; que certaines réunions rassemblaient un public nombreux d’après les photographies figurant au dossier ; que l’utilisation d’un local mis à disposition de manière précaire pouvait justifier la recherche d’une solution plus pérenne.”

Le prix d’achat proposé par la Mairie était-il raisonnable ?

(Erreurs de droit et de jugement)
Pour les juges de la Cour d’Appel de Grenoble, le prix, proposé par la Mairie, bien en dessous du montant fixé au compromis de vente, ne visait qu’à décourager les acquéreurs.

Extrait du jugement du 08/11/06 :

“Le prix qui était offert par la commune aux époux Marin démontrait également que l’exercice du droit de préemption visait “à décourager” les époux Ghezzal. En effet, le compromis de vente fixait pour l’immeuble un prix de 644 000 F alors que la commune offrait un prix de 500 000 F, soit une perte pour les vendeurs de 144 000 F, ce qui était inacceptable par ceux-ci qui dès le 25 mars 2000 signifiaient leur refus.”

(La vérité)
Pour les juges de la Cour d’Appel de Lyon, le prix proposé par la Mairie était conforme à l’évaluation du service des domaines de l’État.

Extrait du jugement du 04/02/09 :

“Le grief tenant au prix proposé nettement inférieur à la déclaration d’intention d’aliéner n’est en rien significatif de discrimination parce qu’il était compris dans la fourchette d’évaluation du service des domaines ; qu’il appartient à tout gestionnaire de fonds publics de respecter un principe de prudence en matière d’investissement ; et que les termes de comparaison versés aux débats démontraient que les maisons du type de celle des époux MARIN bénéficiaient d’une plus-value lorsque la toiture avait été refaite, ce qui n’était pas son cas.”

L’exercice du droit de préemption a-t-il empêché la vente entre Marin et Ghezzal ?

(Erreurs de droit et de jugement)
Pour les juges de la Cour d’Appel de Grenoble :

Extrait du jugement du 08/11/06 :

“Gérard Dézempte, qui seul avait le pouvoir de décider l’exercice du droit de préemption  et sa mise en œuvre, a refusé, en raison de leur origine ethnique aux époux Ghezzal le droit de se rendre acquéreur d’un bien immobilier, élément de droit de propriété accordé par la loi au sens de l’article 432-7-1°.”

(La vérité)
Pour les juges de la Cour d’Appel de Lyon :

Extrait du jugement du 04/02/09 :

“Comme cela a été souligné, après échéance du délai légal, les époux MARIN et les époux GHEZZAL auraient pu poursuivre la vente, que la procédure municipale n’avait fait que retarder.”

La renonciation par la Mairie de l’exercice de son droit de préemption est-il révélateur d’une intention discriminatoire ?

(Erreurs de droit et de jugement)
Extrait du jugement du 08/11/06 :

“Les explications données par Gérard DÉZEMPTE pour expliquer l’abandon du projet apparaissent peu crédibles.”

(La vérité)
Extrait du jugement du 04/02/09 :

“L’absence de poursuite du projet suite au refus catégorique des époux MARIN ne révèle pas plus d’intention discriminatoire, étant donné que l’enveloppe budgétaire consacrée aux acquisitions immobilières a été réorientée sur d’autres projets dont il n’appartient pas à la justice d’apprécier l’ordre des priorité, lequel peut évoluer à tout moment en fonction des opportunités et des besoins.”

Les époux Ghezzal ont-ils été mal reçus par la Mairie ?

(Erreurs de droit et de jugement)
Pour les juges de la Cour d’Appel de Grenoble, Georges BOYER qui a reçu les époux GHEZZAL aurait été précis sur les intentions de la Commune.

Extraits du jugement du 08/11/06 :

“Les époux MARIN qui avaient rencontré Georges BOYER, l’adjoint à l’urbanisme, après notification de l’arrêté, avaient rapporté aux époux GHEZZAL les propos que cet élu leur avait tenus en les assurant du renoncement par le maire du droit de préemption si la vente intervenait au bénéfice d’un acquéreur d’origine non maghrébine”.

“D’une part les époux GHEZZAL ne pouvaient que constater l’accueil qui leur serait réservé s’ils maintenaient leur intention d’acquérir un immeuble dans cette commune. D’autre part, après leur rencontre avec Georges BOYER qui s’était, selon eux, montré précis sur les intentions de la commune, les époux MARIN avaient tout intérêt à renoncer à la vente GHEZZAL”.

(La vérité)
Pour les juges de la cour d’Appel de Lyon, les époux GHEZZAL ont très bien été reçus  par le 1er Adjoint Georges BOYER et aucun élément concret ne permet d’affirmer que leurs origines ont été évoquées.

Extrait du jugement du 04/02/09 :

“Moussa GHEZZAL reconnaît dans son audition qu’il a été reçu par l’adjoint au maire et que ce dernier a “adopté un ton très neutre” et s’est « retranché derrière la décision future de la commission d’urbanisme sur laquelle il ne pouvait pas anticiper”. Il ne mentionne aucun autre contact personnel avec un représentant de la mairie.

Il prétend que les époux MARIN lui ont rapporté que M. BOYER leur avait fait comprendre “qu’ils devaient refuser la vente de leur maison à des personnes d’origine maghrébine”. Cependant, lors de son audition par la police, Nadine PARPAIX épouse MARIN ne fait nullement état de tels propos, ni de la part de M. BOYER, ni de celle d’une autre personne de la mairie.

Aucun élément concret ne permet donc d’affirmer que la consonance étrangère du nom des acquéreurs ait été évoquée par des membres de l’exécutif et de l’administration communale avant, pendant, ou après la déclaration d’intention d’aliéner et l’exercice du droit de préemption.”

Qu’en concluent les juges ?

(Erreurs de droit et de jugement)
Pour les juges de la Cour d’Appel de Grenoble :

Extrait du jugement du 08/11/06 :

“Gérard DÉZEMPTE, signataire de l’arrêté d’exercice du droit de préemption, a bien commis le délit de discrimination à raison de l’origine (…), discrimination consistant à refuser aux époux GHEZZAL le bénéfice du droit d’acquérir la propriété d’un immeuble et du droit de fixer librement le lieu de leur résidence.”

(La vérité)
Pour les juges de la Cour d’Appel de Grenoble :

Extrait du jugement du 04/02/09 :

“Au total, les éléments de preuve sont insuffisants pour établir un motif discriminatoire dissimulé lors de l’exercice du droit de préemption par Gérard DÉZEMPTE, de sorte que quelle que soit la qualification envisagée, le prévenu doit être renvoyé des fins de la poursuite par infirmation du jugement déféré.”

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